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Jean d'Arthuys, un entrepreneur discret entre mer et vignes

"PORTRAIT - Déjà copropriétaire du domaine varois de Terrebrune, l'ancien cadre dirigeant du groupe M6 a acquis le Château de Vinzelles, en Saône-et-Loire, en2024. A 58 ans, ce passionné de voile se dit toujours prêt à investir


  Jean d’Arthuys fait partie de ces entrepreneurs français qui investissent dans le vignoble hexagonal et contribuent à son développement. Avec un côté atypique : il n’est pas un amateur éclairé, plutôt un connaisseur réfléchi. Toujours est-il qu’après avoir acquis, en 2019, la moitié du domaine de Terrebrune, à Ollioules (Var), il vient d’acheter la totalité du Château de Vinzelles, près de Mâcon, dans le sud de la Bourgogne. Il dit néanmoins, lors de notre rencontre, à Paris, en février : «Si on veut faire de l’argent, il ne faut pas se lancer dans le vin. » Qu’est-ce qui le pousse, alors, à y aller quand même ? «La beauté, et quelque chose d’irrationnel. » Disons que la réponse a de quoi désarmer.

  Jean d’Arthuys s’est fait connaître, diplôme de HEC en poche, pour sa carrière au sein du groupe M6, alors présidé par Nicolas de Tavernost. Il fut ainsi à la tête des chaînes Paris Première et W9, et a dirigé un temps le club de football des Girondins de Bordeaux. Il a aussi présidé la maison de lingerie Lejaby.

  A 58 ans, on sent bien que l’entrepreneur cherche désormais d’autres sensations, croisant ainsi deux rêves de jeunesse posséder un domaine viticole et faire le tour du monde à la voile. «Plus je vieillis, plus je veux vivre dans de beaux endroits. » La mer en est un. Longtemps coéquipier du compétiteur à la voile Olivier de Kersauson, il a participé l’année dernière en tant que skippeur à l’Ocean Globe Race, course autour du monde en équipage qu’il a achevée à la troisième place, tout en arrivant premier de sa catégorie et premier des Français.

  Quand il n’est pas en mer, Jean d’Arthuys est souvent dans ses vignobles. «C’est d’abord pour leur beauté que j’ai choisi Terrebrune et Vinzelles. Le premier est une enclave hors du temps, tournée vers les restanques, en bord de Méditerranée. Du second, situé près de la roche de Solutré, on regarde l’histoire. »

  Sa stratégie est d’investir dans des domaines faisant partie d'appellations petites par la taille et à la personnalité affirmée, plutôt que de se retrouver noyé dans un vignoble énorme ou truffé de crus classés. «Je ne pense pas être assez génial pour vendre cher une terre sans appellation. Je préfère donc miser sur une terre historique, avec un grand vin, et en faire un endroit extraordinaire de beauté. C’est ce qui me fait vibrer», explique-t-il.

  Ce raisonnement l’a mené à Bandol, où il passait ses vacances en famille depuis l’enfance. Plus précisément à Terrebrune, soit 19 hectares de vignes appartenant à la famille Delille depuis cinquante ans, avec une belle notoriété. Jean d’Arthuys se retrouve partenaire, à égalité, avec le vigneron Reynald Delille, qui produit de grandes cuvées, telles que le domaine s’est vu attribuer une troisième étoile par La Revue du vin de France en 2020.


«Un boulot de fourmi»

  «Il ne suffit pas de faire de très bons vins, commente Jean d’Arthuys. Trouver les bons réseaux pour les vendre est aussi fondamental, ce qui représente un boulot de fourmi » Sous-entendu, son boulot «Jai apporté mon savoir-faire sur la distribution et le marketing. » Le tandem a aussi su garder des prix raisonnables, afin de préserver une pérennité commerciale.

  L’acquisition du Château de Vinzelles, soit 17 hectares de vignes dans la petite appellation historique pouilly-vinzelles, qui compte seulement 48 hectares, dont certains sont classés en premiers crus depuis l’année dernière, ne s’est pas faite sur un coup de tête. Déjà, avant de choisir Terrebrune, il avait passé vingt ans à visiter une cinquantaine de domaines, de la Corse à l’Alsace, en passant par Bordeaux, où il avait failli se poser. «Ce domaine appartenait à la même famille depuis mille ans, mais les héritiers ne s’entendaient plus», précise Jean d’Arthuys. En parallèle, il s’est formé à la viticulture et à l’œnologie, il y a dix ans, en obtenant un diplôme à l’Université du vin de Suze-la-Rousse, dans la Drôme. En investissant à Vinzelles après Terrebrune, Jean d’Arthuys vise à constituer un petit réseau de domaines, ce qui peut s’avérer aussi utile que vertueux, notamment pour la distribution des bouteilles.

  L’investisseur continue donc de chercher des profils de vins complémentaires aux siens. «Il ne faudrait pas néanmoins que j’achète le domaine de trop. lâche-t-il. En attendant, il n’investit pas, c’est lui qui s’investit dans son nouveau métier. «Ma vie aujourd hui est de faire déguster mes vins pendant les salons, je fais corps avec le vin, je participe aux assemblages, je le vends... », énumère le néovigneron.

  Car déguster, il connaît. Il a été formé dès son plus jeune âge par un père qui considérait que la transmission du savoir œnologique était aussi importante que l’enseignement de la musique. Nous l’avons constaté, Jean d’Arthuys sait reconnaître un vin à l’aveugle, son millésime, sa région, quand il ne cite pas en prime le vigneron qui l’a produit.

  Il pense aussi qu’un vin est un vecteur «de connaissance » Il projette ainsi de créer à Vinzelles, où il a piloté son premier millésime en 2024, davantage qu’un domaine viticole. Le lieu s’y prête. «Il y a une telle méconnaissance des concepts du vin que j’aimerais proposer des formations pour que les gens repartent avec quelques connaissances fondamentales », explique-t-il. Le site patrimonial, typiquement bourguignon, est un petit hameau construit autour d’un château médiéval et d'une cuverie du XVIIe siècle, au milieu d’une forêt de 80 hectares. Y créer un pôle œnotouristique semble naturel.

  Jean d’Arthuys s’est donc dessiné une nouvelle vie, ou plutôt une feuille de route corrigée une semaine à Bandol, une autre à Vinzelles, deux semaines entre Paris, les Etats-Unis, la Grande-Bretagne, le Japon pour vendre ses cuvées. Faire aimer le vin à l’heure de la déconsommation n’est pas simple. Et financièrement risqué. Jean d’Arthuys reconnaît que ses nuits sont parfois courtes : «Il y a une obligation de réussite. C’est la raison pour laquelle il faut miser sur un grand terroir. Faire des grands vins à partir de mauvais terroirs, je n’y crois pas. » Il est vrai que, avec son bandol dopé au mourvèdre et le chardonnay de son pouilly-vinzelles, Jean d’Arthuys a des atouts.

« Je ne pense pas être assez génial pour vendre cher une terre sans appellation. Je préfère miser sur une terre historique, avec un grand vin » "


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