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LUNDI 17 MAI 2021
L'autre homme de Terrebrune à Bandol - bonvivantetplus
« Jean d’Arthuys a 52 ans. Il est un Bordelais reconverti, sa famille est du Gers. Il adore les grands vins de Bordeaux, il avoue une faiblesse pour les cigales et le soleil de la Méditerranée. Il a toujours passé ses vacances sur la Côte. Quand l'occasion s'est présentée, il a volé au secours de la famille Delille et acquis la moitié des parts du Domaine de Terrebrune, grandissime Bandol. Pas le plus connu. »
Vous n’êtes pas le premier grand patron à vous vous intéresser au vignoble français. D’où vous vient
ce goût pour le vin ?
« Moi, c’est mon père. Il nous a toujours fait goûter des grands vins en nous disant que c’était un peu de
la France, de son terroir, du travail des hommes. J’ai toujours vu le vin comme un sujet quotidien pour les
hommes et les femmes. Cela contribue au bien-être de la vie et au génie français. C’est ce qui lui donne,
plus que jamais, son ivresse nécessaire. J’ai sillonné la France, la Bourgogne, le Bordelais. J’ai visité plus
d’une centaine de domaines et j’ai toujours rêvé d’apprendre aux côtés des vignerons à faire des grands
vins. Quand je dirigeais les Girondins de Bordeaux, je vivais quotidiennement avec des grands hommes du
vignoble comme Jean-Louis Triaud ou Jean-Michel Cazes. Je me suis aussi promené dans d’autres régions
comme le Beaujolais, la Corse ou la Savoie et je suis tombé amoureux du mourvèdre, de la Provence. Bandol
est exceptionnel. Un choc aromatique pour moi. Un vin de terroir, c’est la traduction du goût de la terre et de
l’endroit, du goût du lieu. À Terrebrune et dans d’autres domaines de Bandol, le mourvèdre traduit très bien
ce lieu et cette Provence extraordinaire. Il y a les notes de garrigue, le vin est animal, sanguin. J’ai beaucoup
apprécié cet endroit et, petit à petit, j’ai discuté avec la famille Delille. Le père était un pionnier arrivé en 1960.
Il a construit des restanques et planté du mourvèdre. Son fils Reynald a pris la suite et a fait de très grands
vins pendant trente ans. C’est lui qui m’a accueilli quand la situation a obligé la famille à vouloir transmettre.
Depuis, il m’apprend à travailler le Mourvèdre dans l’optique d’en faire d’un grand vin rouge de garde. »
La Provence pour les vacances ?
« Je suis un grand amateur de vins et j’ai préféré choisir un terroir moins médiatisé que ceux du Bordelais ou
de la Bourgogne. Je préfère être sur le podium d’un terroir moins connu plutôt que d’essayer de survivre au
milieu de cinq ou six mille propriétés dans une grande appellation. Bandol a de grands domaines et de grands
ambassadeurs. Ce qui est intéressant à Terrebrune, c’est le travail de cette famille. Le domaine est en bio
depuis 20 ans et a su développer un écosystème très poussé. Il y a une vérité dans cet endroit. À une époque
où beaucoup de gens ne comprennent pas cette notion du temps long, le domaine respecte l’authenticité du
lieu et du vin. Faire un grand vin demande une application de tous les jours dans le respect de la nature.
On n’imagine pas le travail d’artisan qu’il y a derrière les vins. Pour ces raisons, j’ai un immense respect et
beaucoup d’admiration pour les vignerons. Je n’investis pas dans un vignoble à cause d’une piscine. »
Vous avez toujours un vrai métier ?
« J’ai toujours des activités à Paris. Les revenus dégagés par le domaine sont modestes. Si on me pose la
question de savoir si c’est un bon placement, la réponse est non. Avec Reynald, nous souhaitons faire des
grands vins, on ne lésine pas sur les moyens humains et sur les outils de production. On se donne les moyens
tout en espérant continuer à se développer. On avance. Le domaine est à la conquête du monde et des grands
amateurs. Nous sommes engagés dans une exigence de qualité totale avec des vendanges à la main et des
petits rendements. La vision de la famille a toujours été de proposer un Terrebrune unique, qui doit être le
meilleur pour tout le monde et le plus accessible. »
Vous avez navigué aux côtés d’Olivier de Kersauson, c’est prudent ?
« Il est comme le vin, il donne un peu d’ivresse à la vie. Il était comme ça, il pouvait partir brutalement, à cinq
ou six sur son trimaran, pour tenter de battre le record de la traversée de l’Atlantique, parce qu’il sentait que
tout le monde était en forme et voulait y aller. Et à bord, il y avait une caisse de château-la-lagune 1966.
Il m’a appris que la vie devait être à la fois prise très au sérieux et que, même quand elle est une grande
comédie, une grande pièce de théâtre, on doit la vivre avec panache. La philosophie de Kersauson, c’était ça.
Il savait s’entourer de gens qui voulaient vivre pleinement. C’est un grand chef, un grand meneur d’homme,
un grand visionnaire aussi sur les grands challenges des marins. C’était quelqu’un qui savait rester humble.
Il a beaucoup appris dans sa vie et il a eu la chance d’être le second de Tabarly pendant vingt ans. C’était un
homme de goût qui avait bien compris l’essentiel de la vie. En mer, c’était des caisses de la-lagune. Fallait
emmener l’essentiel. »
Nicolas de Rouyn, bonvivantetplus
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