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La Provence en blanc

" DOMAINE DE TERREBRUNE BANDOL
Dans les replis de l’intime des collines, la vigne en immersion se nourrit du dialogue avec la terre et les arbres. En ce lieu préservé et aimé, les vins blancs déploient verticalité, profondeur et salin.
La terre et les étoiles, Jean d'Arthuys et Reynald Delille, copropriétaires du domaine de Terrebrune, en sont les fils inspirés. Muni de son seul sextant, le premier a fait le tour de la Terre en traversant les océans pendant huit mois sur son Triana, un Swan 53 dont l'équipage s'est engagé dans l'Ocean Globe Race 2023-2024. Le second tient la barre du cru de Bandol depuis quarante-cinq ans en tirant du cosmos et de la biodynamie les soins attentionnés pour sa terre bien aimée. La gracile goélette du domaine est à l'ancre depuis
250 millions d'années sur le Trias né du fracas tectonique. Le Gros Cerveau, monstre de calcaire, domine le paysage. À grimper sur le sommet de son crâne minéral, on voit d'un côté la Méditerranée d'argent, de l'autre la vallée verte du territoire de Bandol qui étale les vagues de ses collines jusqu'aux confins du massif de la Sainte-Baume. C'est au pied du versant méridional, sur les éboulis du Gros Cerveau, que les vignes entonnent leur grand aria minéral.
En roulant vers les parcelles où naissent les vins blancs de Terrebrune, Reynald évoque son expérience en mouvement perpétuel, cette réflexion inlassable qui le confronte sans cesse à ce « je ne sais pas » qui lui sert de viatique: « L'aikido que j'enseigne me fait parfois approcher l'effet fudoshin, cet instant de lumière, état d'énergie harmonieuse, de fluidité qui éloigne les perturbations, laisse intact le but à atteindre. Être vigneron, c'est douter, s'interroger. Les vins que nous aidons à naître atteignent parfois cet état, ce sont eux qui sont fudoshin par leurs fulgurances tranquilles, ils nous montrent la voie. » On s'est arrêtés au Lançon, un quartier où se tiennent au versant nord les 6 longs gradins des restanques du Trias squelettique où poussent pour moitié la clairette, pour le reste bourboulenc, ugni blanc, rolle et marsanne sur de l'herbe naturelle. « C'est là que les blancs ont commencé, les fruits ici ont le goût du hasard de nos choix dont nous avons découvert les effets sur les fruits, ils donnent des vins qui dépassent l'homme. »
Plus bas, au Gour, la terre est plus profonde, plus brune, clairette et ugni blanc goûtent clair comme le chant de l'eau fraîche. Plus loin, au défilé de l'entrelacs des petites routes blanches bordées de murs en pierres sèches, dans l'énigme des replis de l'intime des collines, au bout du chemin de Bonne Grâce, là au milieu d'un paysage de sauvagerie oubliée au flanc du Gros Cerveau, c'est un jardin du bout du monde où l'ugni blanc explose de fraîcheur scintillante, la vigne en immersion se nourrit du dialogue secret avec la terre et les arbres. Alors va savoir ce que font les hommes à piocher ce mystère! Au sein de l'équipe, Reynald laisse place à la liberté de celui qui s'engage dans les gestes de révélation du terroir, il sert ici de catalyseur, voilà tout. Julien Paul, directeur technique, un ancien de chez Abbatucci, a rejoint les terres brunes de Reynald et Jean: « Le vin blanc était au cœur de la culture de cette partie de la côte à Sanary, à Ollioules. Nous essayons d'aller plus loin dans la création de vins de caractère qui transcendent le calcaire. »
Ici, la juste maturité des raisins à la sélection irréprochable, la verticalité, la profondeur, le salin, c'est le style. Avant, il a fallu, au jour le jour, marcher sur la terre souple au pas lent d'une appréciation sensible des parcelles, stimuler, calmer, emmener à l'équilibre pour retrouver l'endroit dans le verre. Ici l'eau des collines venue des profondeurs nourrit les racines pour laisser à la vigne son empreinte minérale. C'est cette longue imprégnation qui donne à ce fruit respecté son accent ardent, ses amers du sel de la terre pour un beau voyage en pureté. A goûter sous les voûtes de la cave qui embrasse le Trias le défilé du temps qui passe, le rayonnant 2023, le tracé gravé du 2022, l'amande et son léger confit sur un lit de lumière salée du 2015, le subtil grillé « meursaultant » du 2009, le baiser long et doux de la terre qui l'a nourri en son sein, le giclant salin des larmes du Lançon de 1999 qui sert ses caresses de doux fruits secs, de cire et de miel, on sent qu'ici le dieu honoré chaque jour c'est le terroir, le grand, celui de Terrebrune.
Domaine de Terrebrune Bandol Blanc 2023
« C’est bon ! Le noble végétal, les fleurs blanches, un vin appétent, équilibré, qui déploie sa mélodie discrètement gourmande et saline, son élancement vertical et profond qui relie le ciel et la terre de son rayonnement aérien délicatement tracé comme dans un Tintoret. Comme toujours, le fruit respecté se fait l’écho de l’âme profonde de notre terroir du Trias qui habite la plante. » "
Été 2024 - Jean-Luc Barde - Vigneron